Julie (dont le prénom a été modifié à sa demande) est conseillère à Pôle emploi. Elle s'est portée volontaire à l'été 2013 pour faire partie des nouvelles équipes de contrôle de la recherche d'emploi des chômeurs, expérimentées dans la plus grande discrétion dans douze agences. Elle raconte pour Le Monde comment elle travaille. Si cette expérience est jugée concluante par la direction, elle sera étendue à partir de juin à toutes les agences.
"Nous recevons tous les jours des listes de chômeurs à contrôler, sélectionnés de manière aléatoire. Nous n'avons pas d'objectif chiffré pour l'instant, mais je dirais que chaque conseiller contrôle entre 5 et 10 chômeurs par jour. Il s'agit d'abord d'un travail de pédagogie.
Nous contrôlons même les personnes qui déclarent travailler régulièrement. Nous examinons d’abord si le chômeur a suivi tous les projets d’accompagnement, s’il a créé un espace personnel en ligne, s'il s’est abonné aux offres.
Nous menons ensuite systématiquement un entretien téléphonique. Les contrôles qui se passent bien durent entre vingt et trente minutes et s'arrêtent là. Mais si les éléments ne nous semblent pas satisfaisants, nous envoyons un courrier pour dire qu'il faut fournir des justificatifs. Le courrier contient un questionnaire qui demande notamment "Quelles sont vos démarches actives de recherche d'emploi ? Avez-vous envoyé des CV ? Avez vous fait des candidatures spontanées ?"
Sur le fil du rasoir
Les chômeurs envoient par exemple des mails de candidature, une copie du journal de leur recherche d'emploi ou le numéro de mise en relation d'offres sur Internet. Cela suffit largement. Mais il y en a qui renvoient des questionnaires vides, pleins de tampons ou de candidatures qui datent d'après le début de contrôle ou qui nous mènent en bateau. nous prononçons une sanction de 15 jours de radiation. Nous sommes toujours sur le fil du rasoir pour savoir si on sanctionne ou pas. Les décisions sont souvent prises après une discussion collective au sein de l'équipe de contrôle.
La majorité des demandeurs d'emploi sont contents de ce contrôle, ils estiment normal qu'on vérifie qu'ils cherchent bien du travail. Il y a aussi ceux qui nous disent qu'ils ne cherchent plus parce qu'ils sont au fond du trou, à bout, vidés après deux ou trois ans au chômage. On ne les sanctionne pas. Le fait de les contrôler va, en plus, souvent les faire redémarrer. Plutôt que de prendre une sanction, je décide alors de lancer un accompagnement et je mets leur dossier en attente. Mais cela prend du temps. La dernière fois, j'ai reçu un chômeur qui n'avait jamais fait de démarche, il a fallu un mois avant que son conseiller ait un rendez-vous de libre, puis encore un mois pour qu'il puisse rentrer dans un accompagnement spécifique. Le temps de vérifier qu'il s'y rendait bien, j'ai clôturé le dossier au bout de trois mois.
Je suis contente de faire cela
Je contrôle vraiment tout type de profil. Ce matin, j'ai radié une personne qui était à deux ans de la retraite. Son conseiller lui avait dit d'envoyer des candidatures, ce qu'elle n'avait pas fait. On tournait en rond. Nous radions environ 10 % des chômeurs contrôlés. Seul un tiers se réinscrit ensuite à Pôle emploi. Pour l'instant, on ne transmet pas les dossiers aux Direccte (ex-inspection du travail, officiellement chargés de vérifier que les chômeurs cherchent bien un emploi et qui peuvent prononcer des sanctions allant de deux à six mois de radiation).
Je suis contente de faire cela, parce que j'estime qu'on a tous des devoirs. Je ne savais pas au départ à quelle sauce les demandeurs d'emploi allaient être mangés et je dois dire que la manière dont les contrôles sont effectués est très digne. Pour l'instant, il n'y a jamais eu de tension, parfois des gens ronchonnent en disant qu'ils ont pas été prévenus du contrôle. Il y a bien sûr une souffrance qu'il faut prendre en compte, mais nous disons aux chômeurs que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de travail qu'il ne faut pas chercher. Quand il y a une offre et que dix personnes postulent, il y a quand même une chance d'être la personne qui sera recrutée."